La prévention primaire

date_range 02 Avril 2020

La prévention primaire par Supplémentation ou Fortification

Santé Publique : de quoi s’agit-il ?

 

 

L’apport pré conceptionnel de vitamine B9 est capable de réduire significativement la survenue de malformations fœtales, au premier rang desquels les malformations du tube neural (MTN) : Spina Bifida et Anencéphalie, les cardiopathies et les fentes de la face. On parle de prévention primaire puisqu’on empêche la malformation de survenir.

 

Apporter un complément en acide folique avant une grossesse nécessite une politique de santé publique active. Il n’existe que 2 méthodes validées (1) pour apporter des folates avant une grossesse : la supplémentation individuelle qui est un acte volontaire, et la fortification des farines par des folates à dose modérée qui est un acte subi… Les politiques de santé diffèrent donc selon les pays. Les deux méthodes méritent d’être associées.

 

La Supplémentation : L’apport de vitamine B9 par comprimés est possible depuis les années 1970 aux USA. Il s’agit souvent de formes combinées, associées à d’autres vitamines et à des oligoéléments (Fer, zinc etc…). Dans les suites des enquêtes de prévention des années 1980-1990, et dès 1992 au Royaume Uni et 1995 aux USA sont lancées les premières campagnes de prévention des MTN. On invite les femmes en âge de procréer et planifiant une grossesse de prendre 0,4mg d’acide folique au moins un mois avant la conception et jusqu’à la fin du premier trimestre de grossesse. Pour celles qui ont déjà eu une première grossesse avec MTN, il recommande de consulter un centre spécialisé afin de se voir prescrire 4 mg d’acide folique par jour et pendant la même période. Ces recommandations n’ont pas vieillies et sont encore en vigueur dans la quasi totalité des pays d’Europe sans modifications. La France a rédigé ses recommandations de prévention fin Août 2000 (à la veille du congrès mondial Spina Bifida à Toulouse).

 

La décision de supplémenter les grossesses par acide folique en période pré-conceptionnelle nécessite plusieurs conditions :

-          une femme désireuse d’une grossesse et sachant la planifier

-          un prix acceptable

-          une information suffisante : campagne d’incitation, affiches etc…

Dans la pratique, à l’exception des Pays-Bas, de la Norvège et du Royaume Uni qui atteignent ou dépassent 50%, les femmes supplémentées représentent entre 5 et 30% des grossesses.

 

  

Le tableau suivant donne, dans les pays européens les années de recommandation et les % de femmes supplémentées.

  

 

PAYS

Type de Suppl°

Année recommandation

% Femmes

« supplémentées »

Commentaires

 

 

Gouvernements

Associations

 

 

Allemagne

Med

 

1994

4.3 % (2000)

German nutrition society (1991)

Autriche

Med

 

1998

10% (1998)

Austrian Pediatric Society/Austrian Society of prenatal and Perinatal Medicine (1998)

Belgique

Med

2006

2005

?

« non officielle »

Croatie

Med

 

 

 

« non officielle », différentes actions (médias)

Danemark

 

1997

 

17% (1999)

Campagnes ministérielles 1997, 1999, 2001

Espagne

Med

2001

 

4.5% (2000)

 

Finlande

Diet

1995

 

19% (2000)

Propagande par presse et hôpitaux

France

Med

2000

1995

10% (1999)

Société  Française de Pédiatrie (1995), Collège National de Gynécologie et Obstétrique (1997) Campagne par FFASB et Ministère (2004)

Irlande

Med

1993

 

30% (1998)

Médias sollicités tous les ans

Italie

Med

 

2004

3% (1999)

Italian network for the promotion of Folic Acid for the prevention of congenital defects (2004)

Malte

Diet

1994

 

15% (1999)

 

Norvège

Med

1998

 

46% (2000)

Campagnes permanentes

Pays Bas

Med

1992

 

63% (1998)

 

Pologne

Med/Enr

1997

 

19% (1998 )

Campagne de fortification en cours

Royaume Uni

Med

1992

 

45% (2001)

Campagnes par médias

Suède

Med

1996

 

 

 

Suisse

Med

1996

 

 

Campagne 2006

 

 

 

 

 

 

 

 

Toutes les recommandations préconisent une prise minimum de 1 mois avant la grossesse et jusqu’à 1mois de grossesse. Les avantages reconnus sont le libre choix de la femme et la  biodisponibilité des folates contenus dans les suppléments sont sous forme monoglutamates, plus efficace que les suppléments alimentaires (polyglutamates)

 

L’effet de la supplémentation est surveillé. L’incidence des MTN au Royaume Uni est passée avec des conseils alimentaires de 4,7/1000 (1980) à 1,5/1000 en 1992 puis à 1/1000 depuis avec la supplémentation. Cette diminution progressive de l’incidence précède donc la mise en route des programmes de prévention, mais l’on remarquera que la tendance reste à la baisse. Dans tous les pays d’Europe, l’incidence reste ensuite peu modifiée, et ne baisse plus réellement dans la période 2000-2007 (Eurocat)

 

  

Les explications, sont probablement les suivantes :

-          le nombre de grossesses programmées est inférieur à 50%.

-          la supplémentation correcte des grossesses programmées est inférieure à 30% en moyenne européenne.

-          les femmes supplémentées ne sont pas parmi les plus démunies et les plus à risque…

 

Dans le processus de supplémentation, la baisse d’incidence attendue de 70% ne concerne actuellement qu’une femme sur 6, soit une baisse observée de 11% de l’incidence. La conclusion actuelle s’impose : la supplémentation seule ne peut être significativement efficace : elle ne touche pas les ¾ des populations, dont les plus démunis. Elle a un coût à l’échelle de l’individu que certain ne peuvent envisager. Elle suppose des campagnes d’information et une prise de conscience des risques.

 

  

La Fortification : Aux USA et au Canada, les administrations (FDA) se rendent compte dès les années 1995 que la supplémentation seule n’aura pas les effets escomptés. En 1995 elles rendent la fortification de certains aliments obligatoires. L’enrichissement des farines par l’adjonction de 140 microg d’AF pour 100g commence en 1998. Elle permet ainsi un apport quotidien évalué à 25% de la dose recommandée, le reste devant provenir de l’alimentation. Aucun pays Européen n’a jamais donné son autorisation pour supplémenter les farines, alors que les USA, le Canada ont lancé leur campagne de fortification depuis 1998 : Ils sont suivis par le Chili puis 57 autres pays au monde pour lesquels la fortification est réalisée ou décidée (2009) et l’action mondiale est poursuivie par la Flour Fortification Initiative : www.sph.emory.edu/wheatflour/index.php). En Europe, le Royaume Uni et l’Irlande sont en cours de réflexion pour une mis en place prochaine. Une réunion à Bruxelles les 8 et 9 Novembre 2007 a permis aux Européens réunis à l’initiative de la FFI et de la Fédération internationale If, de constater le chemin restant à parcourir. (Voir le site : www.sph.emory.edu/wheatflour/Europe/) Il en est résulté une seule petite ligne (dans le rapport européen sur les maladies rares du 5 Juin 2009, point 5.10 sur la prévention primaire) demandant de favoriser la prévention des maladies rares quand cela est possible.

 

Las arguments pour la fortification sont la base des décisions :

-          difficultés de toucher tous les publics par les campagnes d’information sur l’auto-supplémentation

-          supplémentation orale nécessitant la planification des grossesses

-          coût réduit de la fortification par rapport aux coûts de prise en charge de ces handicaps

-          universalité du procédé

-          ajustement des doses possibles selon les effets observés

-          choix collectif préféré au choix individuel

Les arguments contre la fortification sont les suivants :

-          le risque de masquer une carence en B12

-          d’hypothétiques risques d’augmenter le risque de cancer chez les plus âgés.

-          l’importance du libre choix du consommateur de choisir un produit enrichi ou non en AF

-          la technologie de la fortification à mettre en œuvre, qui nécessite une labélisation, et les taux à obtenir.

-          quantités de folate apportées variables selon les habitudes alimentaires et insuffisantes par rapport à la supplémentation…

A ces arguments on répondra

        qu’aucun cas de neuropathie par carence en B12 « masquée » n’a été rapporté,

        que les problèmes technologiques sont maîtrisés. A noter que les industriels européens fournissent le monde entier en additifs des farines.

        pour le libre choix, il suffirait d’offrir des farines ou des pains sans suppléments…

 

Là ou elle est pratiquée, la fortification constitue un apport à toute la population. L’essentiel de cette population n’étant pas constitué de femmes souhaitant une grossesse (pour le moins), il fallait s’assurer de l’absence d’effets négatifs et à d’autres effets bénéfiques. Ont ainsi été colligés des effets positifs sur la diminution des accidents vasculaires cérébraux et des atteintes cardiaques aux USA et au Canada.

La polémique que certains avaient tenté d’introduire sur l’augmentation des risques de cancer était basée sur une manipulation de certaines statistiques (2002-2007) et l’effet inverse serait plutôt observé (2008-2009). Le cancer ayant lui aussi bénéficié d’actions très actives de dépistages précoce et de prévention dans les mêmes périodes, la confusion est à mettre sur le compte de théories plutôt opposées aux actions collectives.

Enfin en dehors des MTN, la fortification permet de diminuer d’autres malformations fœtales, cardiopathies et fentes labio-palatines principalement (statistiques Canadiennes publiées en 2009)

 

 

En conclusion : la fortification est adoptée par la plupart des pays du monde, seule ou associée à la supplémentation dans les pays qui en ont les moyens. Seule l’Europe résiste encore. Mais l’Europe de la santé n’existe pas (2) et chaque état décide de tout en la matière. Est-ce le travail sur les maladies rares qui permettra en France de prendre conscience de l’intérêt de ces démarches. Ou restera-on sur une opportunité manquée de plus ? Pour mémoire l’Europe représente 4.500 cas de MTN par an, autant de fentes de la face et 3  fois plus de cardiopathies symptomatiques …

 

 

voir sur ce sujet

le rapport Eurocat www.eurocat.ulster.ac.uk/pubdata/Folic-Acid.html

Le site FFI  : www.sph.emory.edu/wheatflour/Europe/

 

  

Remarques

(1)         l’ajustement des régimes alimentaires avec augmentation des apports calculés pour la femme ne peut être appliquée en l’état à une population générale.

(2)         la santé n’est jamais décidée par l’Europe

 

 

 

 

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